[ La vraie vie d'Adeline Dieudonné ]

Autrice : Adeline Dieudonné
Genre : littérature française, contemporain
Editions L'Iconoclaste
Paru en août 2018
270 pages

 

Chez eux, il y a quatre chambres. Celle du frère, la sienne, celle des parents. Et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. Un prédateur en puissance. La mère est transparente, amibe craintive, soumise à ses humeurs.
Avec son frère, Gilles, elle tente de déjouer ce quotidien saumâtre. Ils jouent dans les carcasses des voitures de la casse en attendant la petite musique qui annoncera l’arrivée du marchand de glaces. Mais un jour, un violent accident vient faire bégayer le présent. Et rien ne sera plus jamais comme avant.


Ce roman est une vraie claque ! Lors de sa sortie, on en a entendu parler partout : radio, télévision, presse et surtout … les réseaux sociaux ; tellement partout que je m'en suis détourné car je déteste lire les romans dont j'entends trop parler et je me tiens encore plus à distance quand les échos ne sont que positifs. Ce fut le cas pur ce roman et ce n'est que presque deux ans après que je prends le temps de découvrir enfin La vraie vie, le premier roman d'Adeline Dieudonné. 

L'autrice fait très fort puisqu'elle aborde des thèmes durs, des enjeux de société qu'elle choisit de traiter de l'intérieur. Elle donne la voix à une fillette d'une dizaine d'années au début du roman jusqu'à l'adolescence dans les dernières pages ; narratrice du roman, elle raconte son quotidien dans un foyer où la violence s'invite souvent sous les traits de son père, un homme imposant et perpétuellement en colère. 

Au début du roman, la fillette nous parle de la hyène - une bête tuée par son chasseur de père et entreposée dans une chambre à trophée. Pour elle, l'animal empaillé est la représentation même de cette colère, de la violence et du vice présents dans la maison familiale. Lorsqu'un accident arrive sous ses yeux et sous ceux de son petit frère Gilles un beau jour d'été, elle décide de rendre à son frère l'innocence perdu ce jour-là. Elle monte le projet assez fou de créer une machine pour voyager dans le temps, lubie d'une fillette tenace et intelligente que l'on va voir grandir et se résigner à cette violence - sans pour autant l'accepter. 

Personnellement, je dois bien avouer être tombée sous le charme de ce roman qui a tout ce que j'aime : une écriture saisissante et maîtrisée, un personnage central qui se bat pour ce qu'elle croit juste et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds - une vraie petite guerrière qui prend la vie à bras le corps pour ne pas se laisser éteindre par un contexte familial difficile -, des thèmes durs mais qui ne tombent jamais dans le pathos. On ne tombe pas dans la fatalité de la violence ; un espoir - celui de l'héroïne - qui brille même dans l'obscurité au fin fond d'une forêt. 

En bref, j'ai eu un petit coup de cœur pour ce premier roman d'Adeline Dieudonné dont je guette les prochaines parutions. Ce fut une très bonne découverte que je ne m'attendais pas forcément à trouver ici. Elle nous livre ici un roman magnifique dont elle maîtrise chaque facette : autant dans la résilience de la jeune narratrice que dans des thèmes malsains mais traités avec tellement d'intelligence et de justeté (je sais que ce mot n'existe pas, mais justesse n'est pas un mot assez fort en sens ^^) .


  • "Et chaque soir, je me suis répété que ce n'était pas grave, que j'étais juste dans la branche ratée de ma vie et que tout était destiné à être réécrit."


  • "J'aimais tout ce qui avait trait au commencement. Ce moment où on imagine que les événements vont se dérouler selon un schéma planifié, que chaque nouvel élément va nous arriver sur un tapis roulant comme un colis dans un centre de tri et qu'il nous suffira de le ranger à l'endroit approprié."


  • "Que la vie est une grande soupe dans un mixer au milieu de laquelle il faut essayer de ne pas finir déchiqueter par les lames qui vous attirent vers le fond."



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