[ L' été des oranges amères de Claire Fuller ]

Autrice : Claire Fuller

Nationalité : anglaise

Traduit par Mathilde Bach

Genre : drame, suspense, contemporain, littérature anglaise

Editions Stock

Coll. La cosmopolite

Paru en juin 2020

416 pages

1969. Frances Jellico, 39 ans, passe l'été dans le domaine de Lyntons afin d'en faire l'inventaire. Au coeur de la campagne anglaise, la somptueuse propriété est devenue, au fil des ans, un manoir délabré qui est occupé par Peter et Cara, un couple aussi mystérieux que séduisant. Elle découvre un judas dans le plancher de sa chambre où, fascinée, elle peut les observer dans leur salle de bains.

J'ai profité d'une rencontre en librairie avec l'autrice Claire Fuller pour me lancer dans la lecture de ce dernier roman tout juste paru en poche : L'été des oranges amères. Clairement, j'ai été enchantée par l'histoire de Frances, un personnage désarçonnant à bien des égards, qui raconte un été en particulier de sa vie, un été qui justement a bouleversé sa vie. Frances est une femme d'une quarantaine d'années qui a toujours vécu sous le joug de sa mère autoritaire. Après son décès, la femme est libre et est embauchée par un riche américain qui vient de prendre possession d'un domaine anglais à la Downton Abbey pour établir un rapport sur l'architecture des lieux et des monuments. Sur place, elle rencontre Peter et Cara, un couple atypique dont l'homme est chargé de recenser les biens, œuvres d'art et mobiliers du domaine. Très vite ils vont se rapprocher tous les trois et vivre un été hors du commun qui va bouleverser leur destinée….

Mêlant récits au présent et au passé, toute l'histoire de cet été nous est racontée du point de vue Frances, un personnage perturbant puisqu'au début du récit, on a envie de s'attacher à elle ; on éprouve de l'empathie pour ce qu'elle a alors vécu et on la prend même en pitié pour cette vie jusqu'alors de solitude. Mais très vite pourtant, on sent qu'elle ne nous raconte pas tout, que des choses sont laissées en suspension et de ce fait, on dévore les chapitres pour connaître les faits qui se sont vraiment passées lors de cet été des oranges amères qui a bouleversé sa vie. On a bien quelques indices disséminés mais le doute persiste dans la façon de les assembler. J'ai été vraiment surprise par les révélations des derniers chapitres qui m'ont alors fait voir toute l'histoire d'un autre œil et révéler les personnages d'une toute nouvelle façon. 

Après la lecture de ce roman, je n'ai pas pu m'empêcher d'y repenser et d'y penser encore - penser à ce personnage de Frances que la vie a brisé, penser à ce couple étrange, à Cara notamment femme énigmatique et lunatique, penser à ce domaine, l'imaginer encore et encore tant les descriptions y sont imagées et penser au dénouement implacable et finalement assez perturbant… 

En bref, un roman surprenant, haletant, un "page-turner" dont chaque chapitre a quelque chose à vous révéler. Une découverte étrange, des frissons d'attente bien sûr mais également d'étonnement quant aux interactions et aux choix des personnages. Une réussite, quoi.

p. 12 

Je suis une voyeuse, je suis celle qui se tient derrière les rubans de la police et regarde une vie se défaire sous ses yeux ; je suis dans la voiture qui ralentit devant un accident mais ne s'arrête pas ; je suis le coupable revenant sur la scène de crime. Je suis la pleureuse solitaire. 

p. 255

Avant tout, j'étais son auditoire, son public. Et elle avait besoin d'un public même si ce n'était que moi, assise sur les gradins, la bouche ouverte durant la majeure partie de son numéro. Son histoire n'aurait été que souvenir et imagination si je n'avais pas été là pour l'entendre ; inconnue et inédite, pareil à un livre sans lecteur.

p.329 

Cependant, le monde est un endroit plus agréable pour celui qui croit que tout le monde dit la vérité. Sans manœuvres, sans raisons cachées ; personne ne ment pour ménager ses effets.