[ Crazy Brave de Joy Harjo ]


Autrice : Joy Harjo

Nationalité : américaine

Traduit par Nelcya Delanoë & Joëlle Rostkowski

Genre : autobiographie, littérature américaine

Editions du Globe

Paru en janvier 2020

176 pages


Crazy. Folle. Oui, elle doit être folle, cette enfant qui croit que les songes guérissent les maladies et les blessures, et qu’un esprit la guide. Folle, cette jeune fille de l’Oklahoma qui se lance à corps perdu dans le théâtre, la peinture, la poésie et la musique pour sortir de ses crises de panique. Folle à lier, cette Indienne qui ne se contente pas de ce qu’elle peut espérer de mieux : une vie de femme battue et de mère au foyer.
Brave. Courageux. Oui, c’est courageux de ne tenir rigueur à aucun de ceux qui se sont escrimés à vous casser, à vous empêcher, à vous dénaturer. De répondre aux coups et aux brimades par un long chant inspiré. D’appliquer l’enseignement des Ancêtres selon lequel sagesse et compassion valent mieux que colère, honte et amertume.
Crazy Brave. Oui, le parcours existentiel de Joy Harjo est d’une bravoure folle. Comme si les guerres indiennes n’étaient pas finies, elle a dû mener la sienne. Une guerre de beauté contre la violence. Une guerre d’amitié pour les ennemis. Et elle en sort victorieuse, debout, fière comme l’étaient ses ancêtres, pétrie de compassion pour le monde. Les terres volées aux Indiens existent dans un autre univers, un autre temps. Elle y danse, et chacun de ses pas les restaure.


Ces derniers temps, je ne sais pas pourquoi je me tourne vers les autobiographies alors que les deux lues avant celle-ci ne m'ont pas plu plus que cela. Mais, c'est vrai que la BD d'Emmi Valve, La Grâce, m'a donné bien envie de plonger dans les récits de soi. Précédemment, je vous ai parlé des récits de Deborah Levy, Le coût de la vie, et de Maya Angelou, Rassemblez-vous en mon nom

Ici, on reste sur un récit de femme mais on se tourne cette fois-ci sur une femme amérindienne qui raconte son enfance, son adolescence, la construction de son identité à travers les croyances de sa communauté. Honnêtement, j'ai failli ne pas commencer ce livre quand je me suis rendue compte que c'était une autobiographie, j'avais peur de m'ennuyer, de ne pas m'y retrouver encore une fois.

Mais voilà. Quelque chose se passe entre Joy Harjo, romancière et narratrice du texte, et nous, son lectorat. Et ce, dès les premières pages. Amérindienne, elle ressent, depuis son enfance, les forces de la nature et de la vie. Elle se sent envahie par les arts et la nécessité pour elle de les pratiquer : peinture, écriture, chant, théâtre. Mais son environnement familial n'est pas favorable à son épanouissement, à ses intuitions comme à ses dons. Depuis son adolescence, elle se bat pour vivre comme elle le ressent. Sa vie à l'adolescence comme à l'âge adulte est semée d'embûches, de rencontres, de séparations, de choix qui la mènent à la croisée des chemins … 

Je n'ai pas envie de trop en dire sur la vie de Joy Harjo qui grâce à sa voix, fait vivre son histoire et nous fait découvrir la vie dans les tribus indiennes entre soutien et jalousie, entre violence, solitude et isolement, entre croyances tribales et Eglise. Je ne sais sans doute pas en parler assez bien pour vous donner envie et pourtant, tout ce que je peux vous dire sur cette lecture, c'est que quelque chose de magique -presque mystique - et d'intime se tisse entre elle et nous, cela nous donne envie d'en connaître davantage sur cette femme extraordinaire qu'est Joy Harjo, première poétesse amérindienne distinguée par la bibliothèque du Congrès des Etats Unis. 



p.19

En vérité, chacun de nous est seul devant ses gouffres de tristesse, quand bien même on nous entoure de gentillesse, on nous prépare des petits plats, on nous adresse des mots réconfortants, on nous joue de la musique. Nous avons tous tendance à combler ces vides avec toutes sortes de distractions, le shopping ou les amours éphémères, l’alcool ou la drogue.

p.84

La musique permet de communiquer directement avec le sacré. Elle règne en un monde invisible et virtuel. Sans barrière corporelle, elle peut porter et soulever les mots. 

• (je n'ai pas noté la page)

Je me demandais ce qui se passerait si on lisait et retenait tous les livres de toutes les bibliothèques du monde, si l'on apprenait le nom de chaque coquillage, chaque guerre, si l'on pouvait citer chaque vers de chaque poème... Que ferait-on de tout ce savoir ? Était-ce le genre de savoir qui libère ? Ou bien celui qui possèderait cet infini savoir deviendrait-il comme ces minables qui font semblant et n'ont en fait pas plus de sagesse ? Et qui décidait de ce qu'il importait de savoir et comprendre ?

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